27 mai 2016

La grande vadrouille - à l'italienne

Première sortie en ville à Parma le soir pour faire la tournée des restaurants et des épiceries afin de récupérer de la nourriture. Nous demandons à plusieurs d'entre eux et essuyons quelques refus (selon une loi, il leur est interdit de donner de la nourriture gratuite à cause de problèmes d’allergies…). Nous tentons notre chance et elle finit par sourire. Un brave cuisinier nous dit de repasser dans 10 minutes. Nous revenons plus tard et le gentilhomme nous avait cuisiné des pommes de terre, de la viande et des petits pains à l'huile tout chaud ! Sur le retour nous récupérons 4 grandes pizzas et des fraises pour le dessert. Nous revenons tout fier avec notre butin passer la nuit dans notre tente. La plupart ces aliments auraient été jetés aux détritus si nous ne les avions pas demandés.

 






Nous nous réveillons le lendemain matin bien reposés après nos 24 heures passées sous la tente. Le ciel est clément et notre voisine de palier généreuse : une octogénaire italienne qui nous demande des nouvelles suite à la journée orageuse de la veille (les éclairs sont passés tout près). Heureuse de voir des jeunes voyager 'à la dur', elle nous apporta un peu de douceur en nous offrant une crèmes au chocolat faite maison ! Miam

Il est primordial de soigner son hygiène, surtout lorsque l'on dort à deux dans 4m². Un gant de toilette et un peu de savon (biodégradable) font l'affaire avec un peu d'eau trouvée dans les toilettes publiques d'un parc. La propreté étant fondamental si l’on ne veut pas repousser les gens que l’on aborde !

Nous nous dirigeons vers l’entrée d’autoroute de Parma à l'aide d'un bus dans lequel nous voyageons ‘à l’œil’. Les transports publics sont bien utiles pour sortir des villes, et les contrôleurs souvent plus indulgents avec les étrangers.

Et c’est reparti pour 1 heure et demi d'auto-stop devant le péage d'autoroute. Les zygomatiques crampés d’avoir trop travaillés, le dernier des 500 sourires du jour fut pour Piero, chauffeur de la voiture qui nous emmena loin de la ville. Nous faisons plus amples connaissance dans le véhicule qui file en direction de Milano sous une chaleur écrasante. Piero travaille dans le monde de la ‘blue economy' : l'économie circulaire. Il organise des salons réunissant des entreprises ‘green’ et différents acteurs à portée écologique. Il revenait tout juste d'un rendez-vous dans un village de montagne enclavé où il apporte ses compétences pour sortir les habitants de l'isolement et éviter l'exode rural vers les villes voisines en favorisant l'artisanat local et la préservation du savoir-faire. Il a par ailleurs mené des actions de sensibilisation pour les sans abris de Milano en organisant des nuits dehors où tout Milanais pouvait venir muni d'un sac de couchage pour se rendre compte de la difficulté à vivre dans la rue.

Nous lui adressons un constat de notre difficulté à loger chez l'habitant italien et il nous propose de venir chez lui passer la soirée et la nuit. Nous acceptons à la condition de lui rendre l'appareil dans un échange de services. En contrepartie du gîte et du couvert, nous allons donc cuisiner pour lui et sa famille une recette typiquement française : les crêpes bretonnes au sarrasin !



Nous passons ainsi une excellente soirée accompagnés de Piero, sa femme Cristina et ses trois filles Eleonora, Gaïa et Beatrice. Nous en apprenons ainsi un peu plus sur la culture italienne (le petit déjeuner c'est un café serré, that's all), la politique (et les mafioso) ainsi que l'économie circulaire.

Le lendemain, la baby-sitter de la famille, Corinne, nous emmène faire le tour de la ville et de ses monuments à vélo ! Sachez qu'ici l’accès au centre-ville en voiture est soumis à péage et que quatre compagnies de ‘voitures partagées' ont investi les rues de la ville.








En revenant de notre ballade, Iris se senti un peu faible, nos organismes ayant subit les chaleurs estivales. Fatigués, nous convenons avec Piero de passer une nuit de plus dans son appartement au cœur de Chinatown.

Le lendemain, nous offrons quelques graines à Piero et ses filles puis prenons le tram puis le train pour sortir de l’agglomération, en direction de Magenta, à l'Ouest de Milan. Décidés à aller ‘voir du pays', nous voulons prendre les petites routes pour côtoyer des villageois. Fini les autoroutes, maintenant c'est routes de campagne !



Nous traversons Magenta où un vieil homme nous interpelle pour venir boire un coup avec lui et ses amis dans un bistrot de village. Nous ressentons la bonne humeur italienne et notre ami baragouine quelques mots de français. Un chaleureux accueil arrosé de vin blanc (à éviter avec la chaleur…) qui nous met en confiance pour la suite.

Nous parcourons ainsi les petites routes, passant de village en village et nous trouvons refuge dans une auberge pour pèlerins. Première nuit dans un monastère.
Nous tenterons à nouveau notre chance la nuit suivante mais essuyons un refus du tenant des lieux du fait que nous ne possédons pas la ‘carte officielle du pèlerin (que l'on trouve pour 3 euros dans les églises). N'abusons pas de la charité chrétienne non plus ! L’auto-stop est nettement plus facile mais peu de personnes parlent l'anglais en Italie. Nous trouvons cependant plusieurs locaux qui parlent quelques mots de français.



Aparté – les chiens peuvent vous faire passer des nuits blanches. Ils ont apparemment peur des voyageurs mais aussi des tentes !

De fil en aiguille, nous arrivons à Torino, mardi 24 au soir. Une voiture nous emmène sur la place principale - la Piazza Victoria - d’où nous commençons nos recherches pour nous abriter afin de passer la nuit. Une jeune femme croisée dans la rue nous indique un centre culturel à deux pas nommé ‘la Cavallerizza'. Sur place nous demandons s'il est possible de dormir dans les alentours. On nous accueille les bras ouverts en nous offrant un lit dans une chambre partagée.


Le lieu est un centre social et culturel. L'occupation du bâtiment est né il y a deux ans. À l’époque les squatteurs ont investi les lieux et sont entrés dans une lutte contre la privatisation du patrimoine publique. Depuis quelques années, la ville de Turin, endettée suite à la crise économique, vend à tour de bras son patrimoine culturel initialement publique à des entreprises privées – principalement des grandes banques. Cet ancien lieu était un centre équestre à l’époque des rois, c'est un endroit chargé d’histoire.



Les occupants ont alors converti le bâtiment en un spot incontournable pour les habitants de la ville, abritant des concerts, des spectacles, des cours de danse et de cirque ouverts à tous et fonctionnant principalement sur donation. Ils ont par ailleurs créé une soupe populaire et plus récemment un potager biologique. Quelques chambres permettent d'abriter des personnes en difficulté d’hébergement pour quelques jours ou des voyageurs en transit. La fréquentation du lieu grandissante, par toutes les tranches de la population, la ville décida de le laisser à la gestion des occupants, mesurant son impact social positif.


C'est dans cet endroit festif que nous aidons pour la ‘cucina popolare', fonctionnant à partir de récupération d'aliments de fin de marché et de produits achetés chez des producteurs responsables et locaux. Contre un petit coup de main, on nous offre le couvert. Nous tombons à pique pour le festival de musique organisé à l'occasion des deux années d’ouverture du lieu. Entre musique classique, folklore, jam session et jonglages nous nous imprégnons de l'ambiance et des Good Vibes du centre ainsi que de la sympathie et de la bonne humeur partagée des occupants.

Le lendemain : opération recyclage de nourriture !
Nous allons faire la fin du grand marché de fruits et légumes du centre-ville, où nous récupérons à la fermeture les mets invendus laissés pour compte dans des cagettes à même le sol. Il y en a tellement que nous devons trier ce que nous voulons et nous pouvons même choisir nos fruits ! Un véritable supermarché gratuit à ciel ouvert. Nous revenons au centre pour un atelier cuisine de 3 heures pour transformer nos aliments en délicieux plats transportables dans nos sac à dos. Il nous faudra une bonne dose de créativité et d'ingéniosité !



Nous décidons de reprendre la route en direction de la France par le tunnel du Fréjus après avoir offert des graines à Wala-Wala, le créateur du potager. Notre étape italienne nous aura fait découvrir une toute autre culture, bien que proche de la notre géographiquement. La barrière de la langue fut une difficulté qui limitait notre champs d'exploration des alternatives. Il était plus difficile d'apporter de la profondeur à notre projet sans parler la même langue et notre relation à l'autre était parfois trop superficielle ou biaisée par une mauvaise compréhension (on nous a parfois pris pour des sans-abris qui ne l'ont pas choisi). Notre passage par la France nous permettra ainsi d'étendre notre champ d'exploration pour notre étude, nous l’espérons...

L'aventure continue - la Grande Vadrouille n'est pas finie !

PS : Merci à Piero Magri pour avoir relayé notre aventure sur la page de son organisation Fa' la cosa giusta! et à toutes les généreuses personnes qui nous ont envoyé un message pour nous inviter à passer un moment chez eux en Italie !